Le MAIF Social Club est-il un lieu numérique ? 

Chloé Tournier : Le MAIF Social Club est souvent décrit comme un lieu numérique. C’est ainsi qu’il est perçu par nos pairs et par le grand public. Je dis bien « décrit comme » et « perçu par », car nous n’utilisons, à notre niveau, jamais ce qualificatif. Il s’agit davantage d’un lieu de vie et de culture qui interroge l’innovation sociale, les nouveaux usages, les façons de vivre de demain. Il semble aujourd’hui inenvisageable de penser cela sans penser le numérique ! C’est pourquoi je remets un peu en cause l’identification d’un lieu comme « numérique » tant l’outil me semble transverse à l’ensemble des disciplines (artistiques, scientifiques, entrepreneuriales etc.). Un lieu de théâtre, de musique, de danse, d’art contemporain, ou même un lieu scientifique, pourrait-il, aujourd’hui, ne pas être « numérique » ?

Pour moi la création, l’innovation et la pensée sont tellement liées au numérique qu’il est presque redondant de le dire. Et qu’en le nommant tel quel (« lieu numérique »), on ne pose que la forme, sans penser le fond. Nous sommes un lieu au service de la réflexion sociale par le biais culturel. Evidemment le numérique est omniprésent. Mais la finalité du lieu reste l’innovation, et le numérique l’outil.

Quelles sont les thématiques qui vous sont chères au MAIF Social Club ?

Chloé Tournier : Nous centrons notre réflexion autour de l’innovation sociale, qui à mon sens, permet d’anticiper les besoins à venir de la société, les nouveaux usages, et de proposer collectivement des réponses promptes à améliorer un mieux-être individuel et collectif.

De ce point de vue-là, nous nous intéressons aux thématiques sociétales car elles ont un impact aussi bien micro que macro sur une société. Souvent nous sommes assez en phase avec des sujets de société, qui font les Unes de journaux. C’était particulièrement vrai ces derniers mois avec l’Intelligence Artificielle. Ces sujets, volontairement généralistes, sont de fait assez pluridisciplinaires car transverses. Si on prend l’exemple de l’Intelligence Artificielle à nouveau, que ce soit le secteur médical, judiciaire, journalistique, artistique, etc., tous avaient un intérêt pour cette question. L’échange d’expériences et d’expertise pour permettre la rencontre en dehors d’un entre soi professionnel nous semble primordial et source d’innovation.

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Les thématiques que nous abordons sont traitées de manière à intéresser aussi bien des personnes expertes sur le sujet qu’un individu sans connaissance préalable aucune. D’ailleurs 2 personnes sur 10 qui fréquentent les expositions MAIF Social Club sont des enfants, sans que nous fassions particulièrement d’expos « pour enfants ».

Et quel rapport avec le numérique ? Quel rôle joue le digital dans l’innovation sociale ?

Chloé Tournier : Le numérique est un outil incroyable de viralisation des projets, avec la multiplication des plateformes de référencement d’alternatives innovantes par exemple. Il facilite également la participation de tous à la codéfinition des solutions, que ce soit par le biais d’une participation « réflexive » ou par l’engagement financier que permet par exemple le crowdfunding sur des projets qui font sens. Sans angélisme, puisque l’outil pâtit encore d’un manque de démocratisation, et qu’il existe un entre soi sur le web comme dans la « vie réelle ».

Nous essayons d’ailleurs de faciliter la prise en main des outils numériques par toutes les tranches d’âges : nous accueillons des ateliers « les doyens du web » d’initiation au web par des étudiants et pour des seniors, mais aussi des ateliers d’initiation au code sans écran pour les 3 – 6 ans. Le public est très intergénérationnel, et nous proposons toujours des temps de découverte qui doivent être avant tout humains, ludiques et légers.

Dans un monde parfait, quelle serait la place du numérique selon toi ?

Chloé Tournier : Dans un monde parfait, je ne questionnerais pas la place du digital, mais l’éducation au digital. Encore une fois, ce qui me semble le plus important, c’est de donner les clés à chacun d’une prise en main mesurée et maitrisée du digital. L’addiction volontairement construite par les réseaux sociaux, typiquement, ne peut être dénoncée que si elle est conscientisée. C’est pourquoi dans un monde parfait, il y aurait avant tout pour moi une reprise en main possible de nos usages, liée à une connaissance des fonctionnements inhérents aux contenus numériques, et des enjeux économiques et sociaux qu’il y a derrière. Bref de la transparence.

Que penses-tu du concept de slow digital qui valorise l’idée de prendre le temps, même lorsqu’on est connecté ? 

Chloé Tournier : La tendance « slow » est une tendance qui s’applique à de multiples secteurs : slow food, slow city, slow digital. Je ne suis pas surprise que le numérique soit concerné ! C’est d’ailleurs plutôt une bonne nouvelle que le vertige lié à la sursollicitation quotidienne et au flux massif d’information soit remis en cause. Moins mais mieux devrait être un mantra quotidien.

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Dans le cadre professionnel par exemple, on a mis en place des règles d’échanges avec les équipes. Pas de mails de plus de cinq lignes, et si c’est un sujet qui demande plus, alors il doit être traité à l’oral, par téléphone ou en réunion. La difficulté avec les outils numériques est qu’ils sont exponentiels et autogénérateurs : plus tu en fais, plus tu dois en faire. Tu traites un sujet et tu te retrouves en retour avec deux fois plus de sujets à traiter. De même j’évite les multiplications d’outils, de réseaux, et j’essaie d’avoir un usage pertinent et efficace du digital.

A l’automne 2018, nous interrogeons la mobilité, on y parlera d’ailleurs de ce culte de la vitesse versus un besoin ressenti et exprimé de ralentissement, ce qui rejoint cette réflexion sur le « slow ».

Merci Chloé pour tes réponses ! Si vous souhaitez en savoir plus sur le MAIF Social Club, voici le programme de la rentrée, axé autour de la mobilité : 

  • Une exposition qui se nomme « Escales en vue », réflexion poétique sur notre propre mobilité, sur les déplacements qui nous construisent et contribuent à modeler aussi la société. Il s’agit là d’un sujet à la fois personnel (mon trajet quotidien) tout en étant très collectif, impactant l’urbanisation et donc la société dans son ensemble.
  • Des ateliers pour enfants (exemple : sérigraphie ton foulard réfléchissant pour être visible la nuit en ville) et pour adultes (balade « voyage sur l’autoroute du bonheur décarboné).
  • Des soirées 3×1 (débats d’idées + performance artistique + buffet) sur des thématiques aussi variées que : « Chi va piano va sano », « Mobilités pour tout.e.s », « voiture intelligente, voiture absente « , « Mobilité verte : la vie en rose ? ».