Créée en 2009, KissKissBankBank fête cette année ses 10 ans. Lancée avant l’américain Kickstarter, la plateforme revendique aujourd’hui plus de 100 millions d’euros collectés pour des projets créatifs, associatifs et entrepreneuriaux. En permettant à chacun de devenir « micro-mécène » et de participer au financement des projets qui ont du sens pour les citoyens, le leader a ouvert la voie à une nouvelle façon de s’inscrire dans la construction de la société de demain. Rencontre avec Ombline Le Lasseur, cofondatrice de la plateforme.

Bonjour Ombline, KissKissBankBank a évolué en 10 ans. Plateforme dédiée à la musique au départ, est-elle devenue un passage obligé ?

Ombline Le Lasseur : Mes associés et moi, nous venons du secteur de la musique. Alors, c’est vrai, oui, au début nous nous sommes plutôt concentrés sur des projets permettant de mettre en relation le secteur musical et ses communautés. Mais nous savions dès le départ que l’outil avait vocation à toucher de nombreux domaines dans la culture. Avant même de lancer le site, nous voulions le faire évoluer. Nous étions convaincus qu’enlever tous les intermédiaires ouvre un champ des possibles infini en termes de projets. Et puis, j’aime beaucoup remettre en question les règles, l’idée que j’avais en tête alors était comment faire émerger plus de culture indépendante. Aujourd’hui, nous avons une diversité de projets incroyables qui vont de la culture indépendante à des initiatives citoyennes, en passant par l’écologie. En fait, on y trouve toutes les thématiques de la transformation positive de la société aujourd’hui.

Par exemple…

Ombline Le Lasseur : L’un des projets les plus marquants et qui est le symbole de l’esprit KKBB, c’est le film Demain, de Cyril Dion et Mélanie Laurent, qui a très bien réussi à convaincre. Je pense forcément aussi à Agnès Barda qui a fait appel à la plateforme pour son documentaire sociétal Visages Villages. C’était fantastique de voir Agnès Varda s’emparer de la plateforme, cela la mettait en relation directe avec les gens, cela lui a permis d’être à l’écoute et de donner la parole à celles et ceux qu’elle filmait.

On parle beaucoup d’entreprise à mission. C’est quoi votre mission à vous ? Qu’est-ce que représente pour vous l’Économie Sociale et Solidaire ? L’économie d’aujourd’hui et de demain ? 

Ombline Le Lasseur : Oui clairement, nous avons une mission : donner des outils pour permettre à des projets à impacts positifs d’émerger. Et bien sûr, nous sommes engagés dans l’économie sociale et solidaire. KKBB est une plateforme citoyenne : c’est l’un des points de départ qui permet aux personnes de se connecter entre elles, aux porteurs de projets de rencontrer leur communauté. Cela nous donne vraiment le sentiment chez KKBB de participer à un changement de société. La mobilisation citoyenne, nous la voyons, nous la vivons tous les jours.

Nous avons également créé il y a cinq ans la Social Cup, un tour de France dédié aux entrepreneurs sociaux où nous sélectionnons des projets qui sont ensuite incubés chez SenseCube. Puis nous les faisons grandir en créant des partenariats avec des marques. Voilà encore une autre façon pour nous d’aider tous les jeunes entrepreneurs sociaux.

A l’heure des gilets jaunes et de Metoo, le numérique et l’engagement citoyen, ça change quoi ?

Ombline Le Lasseur : Le numérique a amplifié le phénomène. Beaucoup plus de gens sont informés. Du coup nous voyons apparaître toujours plus de communautés, qui se créent très vite. Cela nous rend acteur, cela nous permet d’avoir des réflexions plus globales, chacun à notre façon. Alors le problème dans cet élan de partage d’informations, ce sont les fake news, et le seul remède à cela, c’est l’éducation. Il faut que nous sachions faire correctement des recherches, savoir ce qu’est une information sourcée. Heureusement, la réactivité propre au numérique permet également d’apporter des solutions très rapides. Les médias s’emparent de ces sujets, les font connaître très vite.

C’est quoi votre mot clef du numérique ?

Ombline Le Lasseur : Communauté ! Ce qui nous intéresse, c’est l’intelligence collective. Une communauté, c’est une personne qui a un projet + autre une personne qui est capable de l’écouter et qui va servir d’ambassadrice. C’est ce qu’on appelle chez nous le « premier cercle ». Nous avons tous forcément un premier cercle, constitué des amis et de la famille. Si un porteur arrive à convaincre son premier cercle, alors tout sera beaucoup plus simple. C’est un cercle vertueux, le crowdfunding n’étant au passage qu’un agrégateur de communautés.

Ombline, êtes-vous une femme de la Tech ?

Ombline Le Lasseur : Oui, je viens bien faire partie de cette communauté ! Je suis passionnée par la recherche de solutions et la technologie est un outil génial pour trouver des solutions dans tous les domaines !